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Mobilisation permanente pour la paix durable

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Dans une subtile typologie de la paix, Amary NDack professait que la vie du croyant n’a de sens que si elle est mobilisée en direction de la paix durable. Il existe, aimait-il rappeler, plusieurs niveaux dans la perception et la réalité de la paix. La paix telle que vécue par l’individu ; la paix entre individus ou paix sociale. Ces deux variantes relèvent de la catégorie de la paix relative. Or celle-ci n’a de sens que si elle sert de tremplin pour préparer la paix absolue ou paix durable.

Pour le croyant, la paix intérieure et la paix sociale n’ont de sens qu’investies au service de la paix durable. C’est-à-dire de la paix éternelle dans la vie future. Le croyant ne connaîtra la vraie paix que lorsqu’il entendra la salutation de ceux qui franchissent la porte du paradis. Cette paix vaut tous les sacrifices y compris celle de la vie. Qui vous agresse physiquement ou même vous tue, ne vous prive que de la paix relative. Qui vous pollue la vie en détruisant vos vertus, en vous éloignant de la voie tracée par Dieu, vous prive de paix durable, de paix absolue.

C’est pourquoi lorsque la colonisation et les ceddos ont voulu priver Cheikhou Ahmadou et Amary NDack des conditions de préparer la paix durable, ils ont fait le choix de sacrifier leur vie, donc leur paix relative. Ceci est le fondement de toutes les entreprises de Jihad, y compris celle d’Amary NDack.

Humanisme social ou le concept de « nawle »

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Amary NDack était un rassembleur et un constructeur d’unité. A la fondation du village en 1882, de populations d’origine diverse ont convergé vers Thiénaba : parents, anciens du jihad, persécutés à la recherche de refuge, malades. Cette population originelle a été formatée dans le moule unique de la fraternité musulmane. Les unions et alliances entre ces groupes sont à à l’origine de la communauté confrérique.

L’humanisme social à la base d’une société de « nawle » n’est possible que lorsque les plus puissants ont le sens de l’humilité. C’est pourquoi, enseignait-il, la concorde sociale est mise en danger quand par malheur le détenteur du pouvoir n’est pas intérieurement stable, ne jouit pas de paix intérieure. A contrario, lorsque le détenteur du pouvoir est un leader intérieurement équilibré, la paix sociale qui en découle est favorable à l’éclosion des performances intellectuelles et au progrès. Toutes les époques fastes de l’Islam, aimait-il rappeler, se sont caractérisées par un leadership de paix et de stabilité : L’empire Abbasside sous Al Mansour, l’Andalousie, Cordoue… ont permis d’enfanter Ibn Abbas, Avicenne et Ibn Khaldun, Averroès et Ibn Arabi. Préservé du tourbillon qui l’entoure, investi de paix intérieure, l’homme est alors armé pour projeter cette paix dans son environnement social.

Une des clé de la concorde sociale, professait-il, est l’aptitude au pardon : lorsque deux parties sont en conflit, l’initiative du pardon doit toujours venir du plus fort. C’est là un des grands enseignements de l’ouverture de la Mecque. Mais pour y arriver, il faut savoir se conformer à un enseignement de Dieu qui a joué un rôle fondamental dans la formation du Prophète au leadership : être capable de ravaler sa colère pour que les gens vivent en paix.

Une autre clé pour ouvrir la porte de la paix sociale, professait-il, est d’humaniser, par la miséricorde, l’inévitable verticalité qui régit les sociétés humaines. Pour y arriver, il faut se conformer à un autre enseignement du Prophète PSL tiré du saint Coran. Que chacun traite avec humanité celui qui est en dessous de lui, en âge, en puissance matérielle, en savoir, en force physique, en pouvoir politique ou autre. Alors il sera traité avec miséricorde par celui qui est au dessus de lui c’est-à-dire Dieu le Tout Puissant.

L’enseignement d’Amary NDack

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Education, travail et dévotion

La pratique religieuse est définie de façon imagée par Amary Ndack comme le contenu d’une marmite à trois pieds. Chaque pied est indispensable à l’équilibre de la marmite. Les trois pieds sont, la connaissance, le travail et la dévotion ou « Alluwa, Alleba, Allahou Akbar ».

L’acquisition du savoir est le fondement de tout le reste, dévotion comme travail. Sans connaissances, les actes de dévotion relèvent ou risquent de relever de l’obscurantisme. D’où cette injonction divine, « connaissez-moi avant de m’adorer, si vous ne me connaissez, comment m’adorer ». Sans connaissance, sans expertise, enseignait-il, le travail relève de l’amateurisme. Il devient une agitation dévoreuse d’énergie mais ni efficace, ni efficiente.

Amary NDack enseigne que le travail a ceci de capital qu’il est le soutien sine qua non pour réaliser en toute pureté les autres obligations, dévotions comme éducation. L’érudit qui ne travaille pas, dit-il « confie son ventre à autrui ». Il poursuit, enseignant que même si on est né dans l’or, cela ne dispense pas du travail, car le travail est une contrepartie pour ne pas vivre en parasite de Dieu.

C’est pourquoi, la vraie justification du mot wolof « tool » champ, par extension lieu de travail et travail, est celle-ci : instrument pour mesurer son rapport à Dieu. Tool   =

« fumatollu Yalla ».

Amary Ndack enseigne aussi que le travail est un garant d’autonomie par rapport au pouvoir, par rapport à tout pouvoir.Tout musulman, tout citoyen donc qui ne vit pas de son travail mais en parasite du pouvoir, met sa foi en péril. Car dit-il « buur du maye, day keptel », « le pouvoir ne donne pas des cadeaux, il tend des pièges ».

Cet enseignement séculaire d’Amary NDack est la susbtance d’une thèse de Doctorat soutenue en 1986 à Umal Khura par Saffar al Hawali sous la direction de Mouhamed Khoutb. Le titre de la thèse est « le phénomène de l’Irja dans la pensée islamique ». Voici sa principale conclusion : tout Uléma, tout musulman qui soutient un pouvoir en se fondant sur des critères autres que la conformité de ce pouvoir avec les principes islamiques, entre dans le cadre de l’Irja et devient murjia. Murjia peut se traduire par marabout courtisan.

Ainsi donc, l’autonomie par le travail est le seul moyen de garder une distance grâce à laquelle le pouvoir est soumis en permanence à la critique selon les principes islamiques.

Amary Ndack Seck, le guide religieux à Thiénaba (1882-1899)

Après Samba Saajo Amary Ndack a fait un long périple qui l’a conduit à Tag Weri New au Saloum chez les descendants de Maba Diakhou, puis à Pire où il vécut un an avant de s’installer à Diayane dans le Baol oocidental pendant 7 ans. C’est là qu’il a fondé à nouveau un foyer. Mais à l’évidence il était à l’étroit, son ambition étant de dérouler son propre projet religieux et éducatif.

Le Teigne du Baol, parent du côté de sa mère lui donna l’autorisation de s’installer où bon lui semblait dans le Baol occidental. Il choisit, guidé par son ‘’istixaar’’ l’emplacement actuel de Thiénaba, entre Thiès et Khombole. Il s’y installa en 1882 et fut rejoint progresivement par ses adeptes dispersés après Samba Saajo. Ceddos convertis et habitants de la contrée sont venus grossir les rangs de la confrérie naissante. Pendant 17 ans, de 1882 à 1899, année de sa mort, il partagea son temps entre l’enseignement, la tarbya et le travail de la terre.

Amary Ndack est donc à la fois un intellectuel et un homme d’action, un guide religieux et un résistant. La question est donc de savoir dans quelle mesure le guide religieux et le résistant ont contribué à l’émergence de la nation sénégalaise et à la formation du citoyen sénégalais.

Amary Ndack Seck, le résistant contre la conquête coloniale (1871-1875)

La raison de cet engagement combattant est un appel d’Ahmadou Madyu, son maître, victime d’une double provocation. Dès le départ, les colonisateurs ont identifiés l’Islam comme une religion du refus et donc comme obstacle à leur projet colonial de domination et d’aliénation. Dès lors, l’éradication de tous les foyers islamiques était l’objectif stratégique majeur de la colonie. C’est donc dans ce cadre qu’ils ont identifié Wuro Mahdiyou comme foyer musulman subversif dont le fondateur a déjà eu maille à pâtir avec les français.

Ils envoyèrent une première mission pour détruire Wuru Madyu, le 28 juin 1869. Elle était conduite par le capitaine de frégate Vallon. Wuro Mahdiyou incendié fut reconstruit et demeura le même foyer musulman très actif. Les français décidèrent l’envoi d’une seconde mission de destruction en 1871. Cette fois elle était conduite par Lam Toro Samba Oumou Hané, chef de la province du Toro, fidèle allié dès français. Wuro Mahdiyou fut de nouveau saccagé et il y eut même tentation de profanation du tombeau de Mahdiyou.

C’est dans la préparation de la riposte à la provocation de Lam Toro qu’Ahmadou Madyu fit appel à Ahmadou NDack. Il vida Thiénaba Kajoor de tous ses habitants, élèves, parents et voisins et partit en exil auprès d’Ahmadou Madyu. Il a été de tous les combats contre les français ou leurs alliés ceddo entre 1871 et 1875.

BataillesAnnéesAdversaires des Madyankés
NDiakiw1871Lam Toro
Agname1871Lam Toro
Pété1873Bour Pété
Bélel1874Lat-Dior et Alboury
Coki1874Lat-Dior et Alboury
Sakh1874Demba War
Thiowane1874Lat-Dior et Alboury
Samba Sadio1875Français, Lat-Dior, Alboury, Bour Pété

Source S. Dia

Champ de bataille de Samba Sadio

Le caractère exceptionnel de Samba Saajo est lié au fait que c’est un moment de transmission d’héritage en deux étapes : une transmission ésotérique qui eut lieu la veille de Samba Saajo à la faveur d’un aparté entre Amary NDaak et Sheexu. Ils se faisaient face, assis à terre genoux contre genoux. Le maître parlait, le disciple écoutait des secrets écrits nulle part, mais transmis de bouche à oreille, de cœur à cœur dans les ultimes moments de vie magistrale. Quant à la transmission profane devant témoins, elle eut lieu à l’aube de Sanba Saajo.

Amary NDack, était donc un élément clé dans le dispositif du Jihad, de par sa cohérence et son rôle stratégique d’Imam. C’est pourquoi à la disparition d’Ahmadou après Samba Saajo, il fut son principal héritier et devint dès lors un guide religieux accompli. Au-delà des péripéties militaires, le jihad d’Amary NDaak est un espace-temps de révélation de ses qualités et de ses attributs. Certaines étapes ont révélé ses qualités exceptionnelles. Le départ et la route vers le jihad témoignent de l’élégance et l’esprit de sacrifice d’Amary NDaak. La rencontre avec Cheikhou Ahmadou a révélé son sens de la courtoisie due au maître (worma). La bataille de Njakiiw est le révélateur de son érudition. Celle de Saqq le révélateur de sa bravoure. Coowaan a révélé son appartenance au cercle des glaives d’Allah. Samba Saajo son statut de dépositaire de l’héritage madyanké.

Amary Ndack Seck, le recteur de Daara au Kadior (1860-1871)

Amary Ndack né vers 1830 à Thiénaba Kajoor, à 3 km de Kébémer. Son père Ahmed Saïb, devenu Massaer par la phonétique Wolof est un Maure dont les ancêtres se sont installés au Kajoor depuis quatre générations. Sa mère Ndack Fall de la lignée de Fall Maasigui est une parente du Damel Birima Fatma Thioub.

Pendant sa jeunesse, Amary Ndack a été éduqué par son père et son frère Abdourahmane Seck. En raison de son érudition, c’est lui le puîné qui héritera la fonction de maître d’école à la mort de son père en 1860.

Outre l’enseignement, il cultivait la terre et se rendait de temps en temps à Saint Louis pour écouler ses produits agricoles. C’est à l’occasion de l’un de ses voyages à Saint-Louis qu’il fait la rencontre de Dahirou Mahdiyou, frère du Marabout toucouleur Ahmadou Mahdiyou, plus connu sous le nom de Cheikhou

Ahmadou. C’est lui qui l’a initié au Wird Tijaan (Il était auparavant d’obédience Khadre) et lui parla abondamment de leur maître à tous Ahmadou Mahdiyou. Ce dernier lui même a été initié par Mamadou Hammé dit Mahdiyou, son père. Il est fondateur du centre religieux de Wuro Madyu, près de Podor.

Mamadou Hammé quant à lui a été initié au Wird Tidiaan en même temps, le même jour que Cheikh Oumar Al Foutyou et Thierno Alya Diop par le maître Abdoul Karim, disciple de Mouloud Fall. Ce dernier a été initié par Hamdan Hafiz, disciple de Cheikh Ahmed Tidiane. C’est pourquoi, au même titre que Cheikhou Oumar, Mamadou Hammé et ses disciples appartiennent à la Haafiziya. C’est donc un Tidiane accompli qui désormais tenait le daara de Thiénaba Kajoor où il enseignait beaucoup de « fannou » à de très nombreux disciples.

L’histoire a tendance à survaloriser la dimension de moujahid au détriment des autres, notamment celle de recteur de dara. Or Amary NDaak était un authentique érudit. C’est cette érudition mesurée par Sheexu Ahmadu dans leur aparté nocturne le jour même de leur rencontre qui lui a valu d’être nommé Imam de la résistance, dès le lendemain, quand tomba Hamdan Haafiz à Njakiw. Il quittera son village natal en 1871 pour embrasser un nouveau destin, celui de combattant et de résistant.

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